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Chambresourde

Lourd sommeil et sautoirs emmêlés

Il est des monstres

Il est des monstres sans crocs ni cornes, qui poussent dans nos estomacs, à l'abri dans nos peaux.
Il est des ricanements qu'on repère de l'intérieur, des chatouilles obscènes loin derrière le cœur.
D'abord, est la logique: l'enchaînement, la poursuite, le début et la fin. Ensuite survient le hic, le contraire du prévu, la contrainte de la crevasse. Enfin se déroule la naissance.

L'implosion, la création d'une galaxie noire et poisseuse dans notre ventre lourd.
Cette apparition bouleverse: c'est le monstre infime qui voit le jour.
C'est l'insecte qui se nourrit de notre tenue debout et de notre coopération au bon sens. C'est la vie qui désagrège la notre. Alors le lien se crée, le lien entre le ventre et l’œil, le lien gros comme un tuyau d'arrosage, plein de ciment massif, qui se loge dans la gorge et coordonne la chute.


Alors, commence la tempête sourde, dans ce lien dur, cette corde d'arc conductrice, sur ce pont de cordes figé comme la cire d'une bougie momifiée.


Il y a soi. Et il y a le monstre qui hurle par notre bouche creusée comme pour mieux vomir.
Il y a le monstre qui fait jaillir sans raison de l'eau dans nos yeux afin de les noyer dans le sel et l'amer. Il y a ses bras longs dans notre gorge, qui viennent enserrer nos tripes, nos os, notre poitrail frêle, avec la sensualité de ceux qui tuent souvent.


Il y a ses doigts multiples sur notre chair, qui lui enlèvent son armure et lui gravent sans répit les moindres variations du monde, afin de transformer la surface de notre corps en un amas grouillant et instable, jeté sans ménagement au cœur d'un jour de neige.
Il nous recouvre d'un coup, comme un amant imposteur. Il nous avale notre raison et en régurgite les restes.


Il finit par nous briser en plusieurs morceaux épuisés, comme une planchette de bois qu'on abattrait sur un genou.

Plus de parole, plus d'air, plus de mouvement, nous tombons, nous laissons faire, de toute façon, rien ne pourra plus sauver rien.

Et enfin, le silence dans nos viscères. Plus un sursaut.
Le silence des punis, mais aussi celui des libérés. Le silence des salons désertés après les réceptions, celui des gymnases tard le soir, celui des chambres d'enfants disparus, celui des champs éloignés.
Peu à peu, la raison se régénère, soigne ses plaies, puis ramasse avec délicatesse les morceaux de nous. Elle les serre fort dans ses bras sûrs. Ils se recollent.


Le monstre est mort.


Alors, tandis qu'on se relève tout doucement, un peu ahuri, penaud d'avoir encore échoué, goûtant avec soulagement la saveur de l'équilibre, on se rend compte dans un frisson que dans notre estomac, le monstre a abandonné un peu de sa semence.

Un petit œuf perdu dans un château, qui éclora à son tour au prochain basculement.

- Tentative de mise en mots des sensations ressenties lors d'une crise d'angoisse -

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